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Vârânasî

Vârânasî se situe dans la vallée du Gange à 780 kms à l’est de Delhi, dans l’Uttar Pradesh.
Peuplée de 2 millions d’habitants, c’est un haut lieu de pèlerinage de l’hindouisme.

Chaque année, des millions de personnes arpentent la ville dans l’espoir d’une destinée meilleure.

Regards…

Kashi, Bénarès, Vârânasî, autant de noms pour une même ville…

Selon l’époque et les tribulations de l’histoire le nom de cette cité varie.

Tous les mots semblent fades pour décrire cette ville à la fois merveilleuse, étonnante mais également misérable, sale.
Grandeur et décadence… Vârânasî est la ville de tous les contrastes.

Ici tous les sens sont en éveil.Hautement colorée par les levers de soleil resplendissant qui donnent au ciel une couleur flamboyante. Parsemée de taches multicolores , safran, jaune, or, vert, bleu qui se déplacent d’un pas nonchalant sous la rougeur du soleil. Les saris éclatants défilent tous plus beaux les uns que les autres.

Partout les fleurs sont présentes: jasmin, œillets, roses, diffusent leur parfum. Accentué par la chaleur, elles embaument. Les guirlandes de fleurs sont offertes au Gange, animent les temples, entourent le cou des touristes ou jonchent les ruelles. L’odeur d’encens, de santal, s’échappe de chaque boutique, de chaque maison pour inonder la rue.

La nuit, les chiens hurlent sur les ghâts, se pourchassent pour défendre leur territoire. Les sons des cloches, des cornes, des conques et des tambours résonnent dès l’aube. Suivent les chants, la répétition des mantra qui accueillent le lever du soleil. Puis, le jour point, au son du claquement du linge lavé dans le Gange. Claqué énergiquement mais de façon régulière sur d’énormes dalles. Dès les premières heures du matin, des centaines de silhouettes déambulent sur les ghâts. Hommes et femmes prient, font leurs ablutions, ou leur toilette à demi immergés dans le fleuve. Les enfants nagent, jouent, crient à proximité. Tout ce monde cohabite avec une grande facilité et une grande pudeur.

Tout semble simple…

Le jour est à peine levé, une foule d’individus se presse dans les rues telle une fourmilière en pleine activité. Camions, voitures, motos, vélos, rickshaws se croisent au rythme des multiples avertisseurs sonores. Dans toute cette cacophonie, ils cherchent à éviter les hommes, les vaches sacrées, les chèvres et les chiens qui déambulent au milieu de tout ce fracas ou qui demeurent imperturbables, couchés au travers de la rue.

La foule grouille, les êtres se croisent, se mêlent, se heurtent. Les jeunes hommes se tiennent par la main tandis que les enfants s’accrochent à leur mère. Les peaux se touchent, se frottent dans cette proximité. Qu’il s’agisse d’un homme, d’un buffle, d’une vache ou d’un chien, le contact corporel est inévitable dans cette densité.

Des saveurs d’épice, gingembre, curcuma, coriandre et autres éveillent le goût.

Les étals de graines grillées, de tchaï, de légumes frits invitent les papilles à s’animer.

La cuisine indienne est toute en subtilité, juste ce qu’il faut de piment pour ne pas tuer les saveurs et ne pas enflammer le palais. C’est lui qui permet d’exalter et de rehausser les arômes.

Les 6 saveurs: le doux, l’acide, le salé, l’amer, l’astringent et le piquant, définis par l’Ayurvéda, la médecine indienne se mêlent et s’affrontent en même temps au sein de chaque plat.

Kashi, la splendide, la resplendissante…

La chaleur est torride et les rayons du soleil illuminent de couleur les façades, anciens palais des maharadjahs de l’Inde, qui bordent le Gange. La pierre rouge n’en est que plus belle.

Bénarès est avant tout la première cité sacrée de l’Inde. La ville est dédiée à Shiva, l’ascète parfait, le grand yogi. C’est à lui qu’est attribuée la révélation des techniques du yoga aux hommes. Les linga, symbole du dieu, partout présents émergent tels des pics noirs et humides ornés de fleurs, de fruits et d’encens.

A Varanasi les divinités envahissent l’espace et rythment le temps. Durga la guerrière, Sarasvati la connaissance, Hanuman le valeureux, Ganesh le protecteur ou Kâli la destructrice font l’objet de tous les rituels.

Au détour d’une ruelle, Kâli effrayante, en noir et rouge, sculptée à même le mur interpelle le voyageur. La langue pendante, un collier de crânes autour du cou, elle tient dans une main une tête décapitée tandis qu’elle brandit de l’autre, l’épée…

Ici le souffle de la spiritualité s’engouffre dans les ruelles, nous colle à la peau, s’insinue dans nos vêtements, s’immisce dans nos esprits. Il émane de la ville une force, un pouvoir d’attraction auxquels il est difficile d’échapper.
Les sâdhus, habillés d’orange ou nus avec juste une coquille de fer cachant leur sexe vont et viennent.

Certains, en assise face au Gange, restent des heures immobiles, d’autres venus de toute l’Inde convergent vers les temples qui abritent leur divinité d’élection. Arborant selon leurs convictions un trident, un pic ou un bâton, ils sont redoutés et leurs yeux noirs brillants vous transpercent et vous inondent à la fois.

Bénarès, la miséreuse; Vârânasî, la ville où l’on vient mourir…

A chaque coin de rue, des groupes d’enfants harcelants, des mendiants estropiés, des femmes misérables avec leur bébé affamé tentent d’obtenir quelques grains de riz ou quelques roupies.

Les lépreux exhibant leurs plaies emmaillotées vous accrochent du regard en tendant leurs moignons. On ne peut s’empêcher de penser à la cour des miracles…

Les vieillards et les malades incurables attendent leur mort prochaine dans des mouroirs sur les berges du Gange.
Plus discrètement, un homme recroquevillé au pied d’un hôtel, vit ses dernières heures. Il mourra dans la même position. Sans bruits, sans cris, seul.

A Bénarès, le temps s’est arrêté.

Les cadavres enveloppés de rouge orangé ou de blanc traversent la ville sur leur civière de bambou jusqu’au ghât de crémation.

Là, les bûchers crépitent, de jour et plus encore de nuit. L’éclat des flammes illuminent la nuit et se reflètent dans le fleuve.

Des bûchers, une épaisse fumée s’élève vers les hauteurs de la ville laissant s’échapper une odeur de chair grillée.

Après le feu, l’eau.Les cendres et les restes des corps calcinés sont offerts au fleuve sacré. C’est là, que les chiens efflanqués, à l’affût, trouvent de quoi se nourrir.

Un os par ici, un os par là…..

Tout et tous se retrouvent dans la Gange. Les fleurs et les fruits pourris, les innombrables sacs plastiques, l’écoulement des égouts et les corps jugés purs, lestés et jetés au milieu du fleuve. Il n’est pas rare qu’ils remontent des fonds vaseux et offrent leurs chairs bleuies aux regards des touristes qui sillonnent, dès l’aube, le fleuve en barque.

Ici et là, les carcasses boursouflées des buffles en décomposition font le régal des grands corbeaux noirs, nettoyeurs de tous les temps.

Aux pieds des ghâts, l’odeur des guirlandes de fleurs putréfiées se mêle à celle des excréments humains et des bouses de vache qui ornent les escaliers de pierre. L’odeur insistante de tout cela vous prend à la gorge.

Face au fleuve, les façades lézardées des maisons usées par les moussons successives, se dressent de toute leur hauteur comme pour faire oublier ce délabrement ambiant.
Kashi, Bénarès, Vârânasî, autant de noms pour une même ville…

Cela peut paraître difficile, voir incompréhensible aux occidentaux que nous sommes.

C.T

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